Les femmes et le Land art
Le Land art est un mouvement créé au début des années 1960 aux États-Unis. Il se caractérise à travers l’utilisation des matériaux et des espaces naturels comme éléments artistiques. Ce mouvement étant majoritairement masculin, nous vous proposons une sélection de cinq œuvres monumentales réalisées par des artistes femmes.
À travers le Land art, les artistes ont ainsi mis en avant la possibilité de sortir hors du cadre de la galerie ou du musée, permettant de prendre conscience et de mesurer l’impact du temps et de l’environnement sur une œuvre. Cela découle de recherches et de questionnements plastiques et conceptuels menés par les artistes quant aux espaces d’exposition traditionnellement réservés à l’art.
1- Nancy Holt
Cette première artiste est la pionnière. Bien plus connue pour avoir entretenu l’héritage artistique de son défunt mari, Robert Smithson, l’un des fondateurs du Land art, Nancy Holt laisse cependant derrière elle une importante production artistique.
Parmi cette production, une de ses œuvres les plus emblématiques sont les “Sun Tunnels”, créés en 1972. Il aura fallu une dizaine d’années de travail à l’artiste pour aboutir à la mise en place de ces tubes géants en béton. Ces sculptures in-situ de 5,50 mètres de long et de 2,75 mètres de diamètre, placés en “X” dans le désert de l’Utah.
Les tubes monumentaux sont percés à différents endroits de telle sorte à ce que les trous représentant l’emplacement des constellations de la Colombe, du Capricorne, du Dragon et de Persée s’alignent avec la lumière du soleil pendant les solstices d’été et d’hiver.
En transformant la topographie, Nancy Holt propose ainsi une expérience unique pour le spectateur qu’elle décrit comme cela : “Le jour se trouve transformé en nuit, et une inversion du ciel s’instaure : les étoiles sont projetées sur la terre, tâches de chaleur dans la fraîcheur du tunnel.”. La démarche de Nancy Holt réside dans le fait de décentrer le spectateur par rapport au temps et à l’espace.
Dans cette même idée, l’artiste a réalisé d’autres projets comme les “Locators”, qui sont de petits observatoires à l’œil nu, que nous avons la chance d’avoir en France dans les jardins de l’université d’Avignon. Malgré sa grande production artistique, la reconnaissance de l’artiste s’est faite tardivement, lors d’une rétrospective menée par l’université de Columbia en 2010. Elle est l’une des rares artistes féminines à avoir été reconnue comme appartenant au mouvement du Land art.
Pour en apprendre plus sur le travail de Nancy Holt et pourquoi pas faire l’expérience dès que possible des “Avignon Locators”, rendez-vous ici.
2- Mary Miss
Son travail trouve sa singularité dans un mélange entre architecture, sculpture, architecture de paysage, design urbain et installations artistiques. L’un des objectifs de l’artiste est de mettre en lumière les problématiques de notre temps, qu’ils soient écologiques ou politiques, à travers l’observation de la nature. Mary Miss établit ainsi à travers son œuvre un lien entre le spectateur et son environnement.
C’est entre 1984 et 1987, alors que la carrière de l’artiste est déjà bien entamée que Mary Miss inaugure son installation monumentale “South Cove“ à la pointe de Manhattan, au port de New York.
“South Cove“ est une plateforme d’observation qui sert de portail à une expérience visuelle tout en s’érigeant en sculpture architecturale. Le travail de Mary Miss est un travail public, dans le sens où il façonne le domaine public en permettant aux spectateurs de se questionner sur des enjeux environnementaux, politiques ou artistiques. Par l’intermédiaire de la plateforme que met à disposition Mary Miss, le spectateur s’approprie l’espace.
Quand Mary Miss décide de laisser apparaitre la terre sous son installation en béton, c’est une volonté de placer le spectateur au centre de la connexion entre la ville et la nature. Il est alors possible de marcher sous la peau de la Terre en la laissant visible et en la rendant accessible à travers une installation gigantesque, à l’échelle du paysage qui l’entoure.
Parmi ses autres projets notables, Mary Miss s’est souvent attachée à mettre en valeur son territoire. C’est dans cette optique qu’elle a conçu entre autres, “City as Living Laboratory“ qui réunit des artistes, des scientifiques ainsi que des acteurs locaux afin de créer des solutions durables face à l’urgence environnementale.
Pour en apprendre plus sur les travaux et les projets à venir de l’artiste, c’est ici.
3- Ágnes Dénes
Artiste hongroise qui débute sa carrière artistique au début des années 1960. Elle n’atteindra néanmoins que tardivement son statut de pionnière du Land art malgré de nombreuses réalisations toutes aussi spectaculaires les unes que les autres, parmi lesquelles : “Weathfield – A Confrontation”, “Tree Moutain – A Living Time Capsule – 11,000 Trees – 11,000 People – 400 Years” ou encore “The Living Pyramid”.
“Tree Mountain – A Living Time Capsule – 11,000 Trees – 11,000 People – 400 Years” est un projet de réhabilitation écologique et environnementale mené sur ordonnance du gouvernement finlandais lors du Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro. Le projet prend place près de la ville de Ylöjärvi et consiste en la création d’une colline artificielle de 420 mètres de long sur 270 mètres de large et de 38 mètres de haut sur laquelle 11 000 arbres ont été plantés en spirale par 11 000 personnes issus de nationalités différentes.
Ágnes Dénes est une habituée des travaux d’envergure, mais la particularité de ce projet est sans précédent. Tout d’abord à travers l’enjeu politique qu’il représente. En effet, “Tree Mountain” est une commande du gouvernement finlandais qui incarne sa contribution afin d’atténuer le stress environnemental mondial. Deuxièmement, la mention des 400 ans dans le titre du travail est le nombre d’années durant lequel le site sera protégé par le ministère de l’environnement finlandais ainsi que par le programme environnemental des Nations Unies. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle et inédite pour une œuvre.
Enfin, outre l’impact environnemental évident du projet à travers la plantation d’une forêt de 11 000 arbres, son implication internationale est également remarquable.
Cette installation est mémorable pour les générations à venir, mais aussi une remarquable prouesse par sa présence dans le temps et par son implication internationale. Il s’érige en un véritable thermomètre terrestre.
Pour en apprendre plus sur le projet et sur les autres réalisations de l’artiste, dont la récente et célèbre “The Living Pyramid”, c’est ici.
4- Le collectif D.A.ST. Arteam
Nommé d’après les initiales de ses trois membres, Danae Stratou artiste, Alexandra Stratou, designer industriel et architecte ainsi que Stella Constantinides, architecte. Le projet du collectif est d’investir le désert égyptien à travers la conception d’une sculpture in-situ : “Desert Breath“.
Il aura fallu deux années de collaboration et de construction pour que la réalisation monumentale, “Desert Breath“ puisse prendre forme. Il s’agit d’une sculpture qui s’étend sur un paysage de 100 000 m2 entre la Mer Rouge et la ville d’El Gouna dans l’est du désert du Sahara.
Le projet qui utilise le sable comme matériau créateur, a nécessité plus de 8 000 m3 de sable afin de créer les deux volutes monumentales, les 89 cônes, les 89 bassins coniques ainsi que le bassin central de 30 mètres de diamètre.
Le point de départ créatif est la conception métaphorique du désert comme étant le paysage de l’esprit. En ce sens, “Desert Breath“ fonctionne à travers deux niveaux de lecture. Le premier agit comme la représentation d’une image dessinée sur le sol. Le second comme un circuit de circumambulation qui propose au spectateur une expérience physique.
Si aucune autre œuvre n’est connue du collectif, “Desert Breath“ existe toujours de nos jours et sa lente désintégration sert d’instrument de mesure du passage du temps et de l’influence de l’environnement sur une œuvre éphémère.
Rendez-vous ici pour plus de précisions sur l’œuvre et sur le meilleur itinéraire selon Danae Stratou pour visiter “Desert Breath“.
5- Juliana Notari
Enfin, pour terminer notre brève histoire de la place de la femme au sein du Land art, il semblait important de parler de la dernière œuvre de Juliana Notari. Plasticienne brésilienne habituée aux performances à revendications féministes. Elle s’illustre le 2 janvier dernier en dévoilant une sculpture monumentale d’un sexe féminin.
L’œuvre “Diva“, est une sculpture faite à la main d’une vulve en béton armé de 33 mètres de long sur 16 mètres de large et de 6 mètres de profondeur, recouverte d’une résine rouge. Elle se situe dans la ville natale de l’artiste sur le terrain d’une ancienne usine qui l’accueille de manière permanente. Cette démarche qui a nécessité presque 11 mois de travail s’ancre dans un climat politique complexe entre ultra-conservateurs et progressistes et n’a de cesse de susciter de vives réactions à travers le monde.
Comme le précise l’artiste sur son compte Instagram, Juliana Notari : “utilise l’art pour dialoguer sur des interrogations qui renvoient à la problématique du genre, d’un point de vue féminin combiné à une vision du monde qui questionne la relation entre nature et culture dans notre société occidentale phallocentrique et anthropocentrique”.
Pour suivre l’actualité de l’artiste cliquez ici pour accéder à son site Internet et ici pour son compte Instagram.
Propos de Jenyfer Schneider-Fournier
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